Le cercle des amis
- Pierre O. Desautourre
- 28 avr. 2019
- 2 min de lecture
(roman-feuilleton, rédigé par Pierre-Olivier Desautourre)
Episode 4 Les quatre vieillards descendent du bus et font les derniers cinquante mètres qui les séparent du Manoir Ste Marguerite à pied. Les lumières jaunâtres des candélabres se miroitent sur l’eau calme de la rivière. Une dame sous un parapluie se promène avec son petit chien en laisse. Ce dernier s’arrête devant une flaque d’eau et commence à lécher dans le petit trou rempli de gouttes de pluie. De petites vagues se forment autour de son museau. La dame s’arrête et suit avec ses yeux le mouvement de l’eau agitée.
-Cette eau est bien sale, tu tomberas malade, dit elle et retira le chien avec la laisse. Le chien marqua son mécontentement en aboyant plaintivement. Il baissa la tête et suivit sa maîtresse lentement et sans énergie.
-C’est l’amante du boucher, chuchota Robert. Je la reconnais. Elle a pris ce chien pour se consoler dans les moments de solitude où elle attend son amant.
-Non, ce n’est pas elle. Le boucher n’a pas d’amante, au moins ce n’est pas officiel, je veux dire, personne ne doit le savoir, répondit Claude en tournant sa tête brusquement vers son interlocuteur.
De loin on entendit des rires de gens et des bruits de voitures. Les explosions d’un feu d’artifice illuminèrent le ciel sur le quartier. Le chien se mit à trembler et se cacha sous un banc à côté d’un toboggan hors d’usage.
-Encore une de ces fêtes dans la maison du peuple. La date des élections s’approche et les politiciens tentent à répandre une ambiance festive un peu partout dans la ville. Bientôt les journaux recommenceront à parler de ces scandales de financement de campagnes électorales, supposa Marcel.
-Du tout, du tout, intervint Claude. Il s’agit d’un mariage. J’ai reçu moi-même une invitation que j’ai refusée, car je ne voulais pas être vu avec ces gens.
-Pourquoi pas ? demanda Robert d’un air stupéfait. Claude se tut.
-Ton silence m’agace, Claude. Charles ralentit son pas et s’arrêta brusquement devant le groupe pour lui adresser ces paroles. C’est juste un jeu que tu joues avec nous. Par ton silence tu veux juste nous faire croire que tu n’a pas d’idées. Tu ne te rends pas compte à quel point cela est dangereux. C’est comme un trou noir qui dévore tout d’une manière insatiable. Chaque mot, chaque pensée est attirée par cette chimère. Elle agit sur nous comme une méduse. Nous sommes attirées par sa beauté mystérieuse et séduisante pour aussitôt nous détourner d’elle, car nous nous sentons coupables d’avoir vénéré un être qui n’est pas des nôtres et qui n’est qu’une ombre mutilée de ce qui nous rend dignes. Elle détruit nos paroles et nos pensées qui laissent un vide derrière elles. Pour combler ce vide, les mots qui restent sont victimes d’une immense expansion. Ils grossissent, s’élargissent dans un processus douloureux et explosent en laissant comme seule trace quelques morceaux de cendre grise qui ne feront renaître l’esprit humain qu’après un temps incalculable et inimaginable.
Le bruit des feux d’artifice cessa. Le chien sortit de sa cachette et continua sa promenade du soir avec sa maîtresse.



Commentaires